Pendant longtemps, on l’a considérée comme un levier d’image ou un gadget R&D. Ce temps là est définitivement révolu. En 2025, l’open innovation est devenue un pilier stratégique pour les assureurs. Plus exigeante, plus structurée, plus impactante, elle constitue un puissant outil pour répondre aux nombreux défis auxquels ils font face.

Derrière cette évolution, on trouve des acteurs comme Linkio, cabinet de conseil 100 % dédié au secteur de l’assurance. Elodie Duru, directrice associée, est une spécialiste des ponts entre innovation et transformation. Après un parcours riche l’ayant vue passer par les incubateurs et les laboratoires de recherche, elle travaille aujourd’hui en première ligne sur les grands programmes de collaboration entre corporates et startups.

Dans cet entretien exclusif, Elodie décrypte avec précision les dynamiques à l’œuvre dans le secteur : les conditions d’un partenariat réussi, l’évolution du regard porté sur les insurtechs, les défis de l’IA générative, et le rôle clé que peut jouer un tiers de confiance comme Linkio dans cet écosystème en mutation.

Une lecture incontournable pour comprendre comment l’innovation se fait vraiment, en 2025, dans le secteur de l’assurance.

Bonjour Elodie, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis Elodie, directrice de Linkio, cabinet de conseil dédié au monde de l’assurance. Je viens du monde de l’innovation, secteur dans lequel j’évolue depuis la fin de mes études… de géographie !

Je suis arrivée dans ce milieu en travaillant sur le transfert de technologies dans les laboratoires de recherche publique des universités, où j’allais détecter l’innovation pour l’amener au marché. Ensuite, je me suis occupé d’incubateurs de startups, une expérience qui a été une passerelle vers le conseil en innovation auprès des groupes d’assurance.

Aujourd’hui, je suis la directrice associée de Linkio. Je pilote l’ensemble des activités en compagnie des deux autres associés, Nicolas Tissot et Alexandre Jeanney. Je conserve également des fonctions plus opérationnelles, en coordonnant des grands programmes d’open innovation, une activité très importante du cabinet. Enfin, je participe aussi à différentes missions de stratégie ou innovation (audit innovation, stratégie make or buy, études de marché, benchmarks, etc.)

Peux-tu nous parler de Linkio, de sa genèse aux chiffres clés en 2025 ?

A l’origine de Linkio, on trouve Alexandre Jeanney. C’est un expert qui évolue dans le domaine de l’assurance depuis près de 20 ans, un spécialiste du conseil en innovation.

En septembre 2023, devant la croissance de son activité, il a décidé de s’entourer d’une équipe. Linkio a alors commencé à changer de dimension. Aujourd’hui, nous sommes une équipe composée d’une dizaine de personnes mobilisées pour apporter du service et du conseil en stratégie et innovation aux grands groupes d’assurance.

Après un an et demi d’existence, Linkio c’est une vingtaine de clients du secteur, une croissance de 50 % de son activité en un an, et un atterrissage 2025 prévu encore en forte croissance. 

Parmi nos réussites marquantes, nous avons accompagné des programmes sur plusieurs saisons, comme Volt’terre de Groupama et French Assurtech. Nous avons ainsi pu chaperonner plusieurs dizaines de projets de collaborations entre startups et grands groupes.

L’un d’entre eux, le partenariat entre Groupama et Continuity dans le cadre du programme Volt’terre, vient d’ailleurs d’être primé aux Argus d’or dans la catégorie Open Innovation. C’est une fierté !

Nous réalisons également de très nombreuses missions de conseil pour aider les grands groupes à structurer et activer leurs démarches d’innovation. On parle d’open innovation, mais pas uniquement. Il y a aussi toute l’innovation que l’on peut trouver au sein des compagnies. Nous sommes donc là pour les accompagner, les aider à construire des stratégies solides, et aussi les challenger sur leurs process internes.

Tu évoques l’open innovation. Quelle est pour toi la secret sauce pour que ça fonctionne ?

L’open innovation, c’est la collaboration entre deux entreprises qui ont des niveaux de maturité différents. Il faut donc plusieurs ingrédients pour que ça puisse fonctionner.

Tout d’abord, une volonté ferme de travailler ensemble. Cela passe notamment par la capacité du grand groupe à comprendre qu’on ne peut pas demander certaines choses à une startup, qui a n’a pas du tout le même mode de fonctionnement. Il faut donc que les deux partenaires parviennent à se rencontrer, trouvent un terrain d’entente.

C’est ici où Linkio intervient. Nous allons jouer le rôle de médiateur afin que des grands groupes et des startups arrivent à communiquer, à prendre en compte les contraintes de l’un et celles de l’autre pour parvenir à un équilibre dans la relation. Cette symétrie des attentions est déterminante. Il faut que tout le monde soit associé dans une volonté commune d’aller de l’avant.

La réussite de l’open innovation passe également par un sponsorship de l’innovation très fort de la part des grands groupes. Qui vient à la fois de la tête de l’entreprise, mais aussi des métiers, des opérationnels. Sans ce soutien, un programme d’open innovation ne va pas fonctionner. C’est fondamental, pour exploiter au maximum les tests, et espérer une transformation derrière.

Enfin, et c’est une autre condition évidente, l’open innovation a besoin de moyens, à la fois financiers et humains, pour donner sa plénitude.

Le regard des grands groupes par rapport aux insurtechs a-t-il évolué dernièrement ?

Pendant longtemps, l’open innovation consistait en des POC qui ne dépassaient pas souvent ce stade de POC. Aujourd’hui, je constate chez les grands groupes l’ambition de dépasser ce stade et de se projeter dans une relation à long terme avec les startups. C’est une évolution positive.

Les premières insurtechs étaient, pour beaucoup, perçues comme des acteurs à part, loin des grands groupes. Depuis, le tableau a bien évolué. Nous sommes davantage dans une vision de partenariat. Le grand groupe voit dans la startup une alliée qui va aider à l’amélioration technologique, pour être plus performant dans la performance opérationnelle. Ce sont des partenaires qui viennent faire des choses que les corporates ne savent pas faire, ou n’ont pas forcément la flexibilité et l’agilité pour développer en interne.

Pour les grands groupes, l’open innovation, ce n’est donc plus du marketing. C’est un outil pour faire de l’innovation qui va générer un impact.

Dans mon activité quotidienne auprès des grands comptes, je remarque que les groupes s’engagent désormais avec une perspective de long terme. Ils affichent une volonté de faire des POC utiles, qui vont permettre d’améliorer des process, des produits, de challenger aussi ce qui est fait en interne. Sans oublier de faire profiter de ce partenariat à la startup, dans une optique de création de valeur conjointe.

Quelle est la plus-value de Linkio par rapport à d’autres acteurs du conseil ?

De très bons acteurs du conseil sont spécialisés en innovation “tous secteurs” et d’autres excellent en conseil classique sur le secteur de l’assurance. De notre côté, Linkio possède cette double expertise. Nous sommes de purs spécialistes du domaine de l’assurance, avec une connaissance extrêmement fine de ce secteur et de ses enjeux, et du monde de l’innovation et de son écosystème.

Notre ingrédient secret, c’est justement notre proximité avec tous les acteurs de l’écosystème, que nous cultivons depuis de longues années.

Sur la partie open innovation, nous jouons le rôle de médiateur, de tiers de confiance qui permet au groupe et à la startup de bien communiquer ensemble, et de résoudre des situations où il peut parfois y avoir des frictions.

Parle-nous plus en détail des programmes phares accompagnés par Linkio, Volt’terre et French Assurtech ?

Volt’terre de Groupama, ce sont 5 accélérateurs autour des thématiques clés de l’écosystème, qui représentent des enjeux particuliers pour les assureurs, et Groupama en particulier.

Nous accompagnons ce partenaire au quotidien autour de ses enjeux d’open innovation. Avec un champ d’intervention très large. Nous commençons par le recueil des enjeux opérationnels du groupe, avant le lancement d’un appel à projets destiné à sourcer des candidats potentiels qui vont répondre à ces besoins.

On accompagne ensuite le cadrage et le suivi des POC. Un KPI de succès d’un programme d’open innovation, c’est l’industrialisation du projet, lorsque celui-ci est déployé à l’échelle. Dans le cadre de Volt’terre, les résultats sont très encourageants.

French Assurtech est un autre programme important pour Linkio. Ce sont 8 assureurs qui ont décidé de travailler ensemble sur leurs besoins, en testant chez chacun d’entre eux des cas d’usage, pour fournir des REX qui servent finalement aussi le voisin. Ce côté communautaire est très intéressant car ce sont des entreprises concurrentes au départ, qui décident quand même d’avancer ensemble sur certains sujets.

Une autre particularité de French Assurtech réside dans le fait qu’il ne s’agit pas uniquement d’open innovation. Il y a aussi des briques de sensibilisation et d’acculturation à des sujets essentiels. Dans ce cadre, nous organisons toute une partie acculturation et partage au travers de l’AGORA. Nous ciblons des thématiques bien précises, comme le climat, ou l’IA générative et les RH.

Enfin, French Assurtech est aussi associé au INNN. Ce salon, co-organisé par les collectivités locales du niortais et les membres de French Assurtech, s’est imposé comme un événement incontournable dans l’univers de l’assurance en France.

En 2025, quels sont les grands enjeux autour de l’innovation dans l’assurance ?

Parmi les enjeux marquants en 2025, et au-delà, il y a bien entendu le climatique. Parce qu’il impose à la fois de transformer les modèles économiques, et la manière d’appréhender l’assurance, avec des questions qui émergent sur l’assurabilité de certaines zones.

Ensuite, le sujet de la performance opérationnelle est devenu incontournable. On le perçoit à travers French Assurtech : ce sont dorénavant des sujets très transverses et communs à tous les assureurs.

Enfin, une troisième thématique forte, liée à une solution technologique, est celle de l’IA générative. Il est aujourd’hui impossible de ne pas l’intégrer dans les entreprises. Mais les implications sont nombreuses, avec notamment des enjeux humains et sociaux qui émergent, et doivent être pris très au sérieux par le secteur.

Que doit-on attendre de Linkio dans les prochains mois ?

Nous allons continuer à faire croître le cabinet, et travailler notre notoriété et notre place dans le domaine de l’assurance. Donc à la fois continuer de servir nos clients actuels avec le même niveau d’exigence, et démontrer que l’on a aussi une valeur ajoutée pour de nouveaux partenaires.

Notre développement passe aussi par une équipe plus étoffée, mais nous voulons avancer tout en gardant cette cohésion. C’est un défi : grandir tout en conservant l’esprit de Linkio !

Sur le côté événementiel, nous sommes aussi de plus en plus actifs. En janvier, j’ai présenté un panorama des insurtechs françaises en partenariat avec Finance Innovation. J’ai aussi accompagné une délégation lors d’Insurtech Inisghts, à Londres, où j’ai animé une table ronde. Il y a eu en juin les selection days pour les programmes Volt’terre et French Assurtech, avec une nouvelle édition du INNN, bien sûr, en fin d’année.