Analyses

Risques émergents : catalyseurs de l’innovation ? Les enseignements du INNN 2024

Alexandre Pengloan

Rédigé par Alexandre Pengloan
le 07 novembre 2024 - 8 minutes

Promesses tenues ! Pour sa 3e édition sur la place du Donjon à Niort, l’organisation du INNN s’est encore surpassée cette année, pour nous offrir une plongée de deux jours dans le bain de l’innovation. Une session extrêmement riche, qui va contribuer à sanctuariser l’événement comme un incontournable en France – et même en Europe, avec un public de plus en plus cosmopolite – dans le secteur.

A l’affiche cette année, impossible de manquer les risques émergents. ‘Chaud devant’, ‘Cyber Punk’, ‘Future of work’ étaient les grands thèmes d’un salon qui, en nous immergeant dans les enjeux présents, nous a aussi incité à accélérer la réflexion sur un futur qui s’annonce rempli de défis.

Une chose est sûre, le secteur est plus que jamais mobilisé et déterminé à remplir sa mission. Il doit cependant pour y parvenir se réinventer, et l’idée s’impose qu’il trouvera une grande partie des réponses dans le collectif et l’innovation.

Un nouveau paysage de risques émergents… et même installés !

Jamais le paysage des risques n’a évolué aussi rapidement. Cette célérité épouse la vitesse du progrès humain, dont la face sombre fait jaillir des menaces nouvelles et inquiétantes. Nouvelles, plus tant que cela pour certaines, d’ailleurs. Le climat et les cyberattaques s’imposent en effet désormais comme des préoccupations quotidiennes de nos sociétés modernes.

En parallèle, la fragilité géopolitique, les mobilités nouvelles ou l’essor de l’IA générative, avec ses dérives potentielles, ajoutent une complexité accrue pour les assureurs. Une conjoncture qui les oblige aujourd’hui de prendre en compte une foule de paramètre pour s’adapter à cette polycrise globale. Et c’est tout sauf évident !

Le climat, qui figure encore à la première place cette année du AXA Risks Report, revient sur toutes les lèvres à l’évocation des principaux défis pour le secteur. « Ces risques ne sont plus émergents, mais bien installés, et doivent être une priorité pour les assureurs », martèle Mehdi Gaaied, de Weathermind. Il cite notamment l’exemple de la sécheresse. En France, 11 millions de maisons sont exposées à ce péril, un danger loin d’être hypothétique. Les assureurs français sont encore passés à la caisse en 2023. Et la CCR estime que le coût annuel des sinistres climatiques pourrait doubler d’ici trente ans.

Pour l’assurance, il devient essentiel de pouvoir se reposer sur des organisations agiles et des technologies avancées pour mieux anticiper et absorber l’impact de ces événements climatiques. Le secteur est déjà sous haute tension. Aux États-Unis, il déraille dans certains États, avec des grands noms qui ont déjà mis les voiles en Californie ou en Floride. Les tempêtes récentes en France ou les terribles inondations en Espagne viennent nous rappeler que nous sommes également concernés en Europe, et qu’il y a urgence à agir.

Le risque cyber est, lui aussi, devenu tout aussi incontournable. La formule « quand » et non « si » pour décrire la probabilité d’une attaque est devenue monnaie courante. Les paiements de rançons en cryptomonnaie ont franchi le cap symbolique du milliard de dollars en 2023, et les fuites de données ont augmenté de 78%. Avec l’IA générative, les cyberattaques deviennent plus sophistiquées et redoutables. Les pirates des temps modernes ne font plus rire personne, et c’est tout l’écosystème assurantiel qui doit se mobiliser pour faire front. Mais, comme sur les autres sujets à caractère systémique, il est évident qu’il ne peut agir seul.

La réponse dans le collectif : la prise de conscience s’accélère

Dans ce paysage en pleine mutation, le secteur de l’assurance n’a d’autre choix que de s’appuyer sur le collectif et la pluridisciplinarité. Face à l’ampleur et à la complexité des nouveaux risques, la coopération entre acteurs devient un impératif. Et, bonne nouvelle, les volontés s’accordent sur ce point ! La diversité des participants au INNN 2024 – insurtechs, grands groupes, mais aussi sociétés innovantes venues d’univers voisins – témoigne de cette volonté d’ouverture, essentielle pour le secteur.

L’enjeu principal pour l’assurance en 2024 ? C’est de rester ouverte à ce qui gravite autour d’elle, ne pas rester camper sur ses certitudes et de miser sur les synergies pour avancer. C’est d’ailleurs notre ADN chez Stoïk : réunir le monde de l’assurance et son expertise séculaire dans le risque, et la technologie dans ce qu’elle a de plus pointu.

Thomas Renaud, Stoïk

La division Reinsurance Solutions de Swiss Re représente un bon exemple de ces nouvelles approches. Grâce à cette entité, qui vole de ses propres ailes depuis 2023, le réassureur est en mesure de proposer autre chose que des capacités. Avec ses solutions de modélisation avancées, sa maîtrise des sujets autour de la donnée et son expertise dans la gestion du risque, il peut ainsi apporter encore davantage de plus-value à l’écosystème.

La pluridisciplinarité s’impose ainsi comme un enjeu stratégique pour le secteur de l’assurance. Une démarche qui doit à la fois se faire en interne, en cassant enfin les silos, mais aussi en externe, à travers la curiosité et l’itération. En effet, seule une approche transversale permet d’appréhender des risques de plus en plus interconnectés et complexes.

Cette collaboration doit inclure un travail en commun entre les experts traditionnels de l’assurance, actuaires, souscripteurs, avec des climatologues, des ingénieurs, data scientists, spécialistes en cybersécurité. Mais aussi reposer sur des partenariats externes pour assurer une vision plus large des risques.

Ce besoin de travailler collectivement au sein d’un écosystème plus large se fait de plus en plus sentir, comme le souligne Pierre-Olivier Puyo de Groupama : « Aujourd’hui, on ne peut pas faire tout, tout seuls », assume le responsable du programme Volt’terre, qui fait appel à des startups pour développer des solutions adaptées aux enjeux actuels. Ce type de programme permet aussi d’impliquer activement les collaborateurs dans le processus d’innovation, contribuant à un changement culturel nécessaire au sein de l’entreprise.

C’est ici une belle opportunité pour le développement des insurtechs. Avec leur agilité, leur savoir-faire technologique et des approches souvent plus innovantes, les startups ont ce pouvoir de renforcer les stratégies des acteurs traditionnels, dans des rapprochements gagnant-gagnant. Thomas Renaud, de Stoïk, souligne ainsi que les assureurs et réassureurs viennent « rechercher l’agilité et l’innovation que nous apportons. Et nous, nous bénéficions de leur capacité de gestion de risques à grande échelle. »

Le INNN a également mis en lumière des coopérations avec d’autres acteurs du microcosme assurantiel. Des entreprises de services comme Wevioo ou Stelliant – dont on vous avait récemment présenté l’outil de jumeau numérique -, ou le positionnement de plus en plus innovant d’un Darva, viennent enrichir cet écosystème d’innovation et favoriser le partage des connaissances.

« L’assurance doit faire un saut qualitatif en cassant les silos pour favoriser la collaboration entre assureurs, assurés, startups et acteurs technologiques », appuie Sofien Eleuch de Wevioo. Ces partenariats multidisciplinaires permettent de concevoir des modèles de risque plus sophistiqués et de bâtir une offre d’assurance qui anticipe tout simplement mieux les enjeux de demain.

Le point clé de la prévention : encore un gros travail à fournir

Sur certains sujets, et notamment le climat, le secteur se situe à la croisée des chemins. Lors de la table ronde des dirigeants, l’un des leaders du monde mutualiste niortais a ouvertement posé la question : ‘L’assurance doit-elle encore servir à payer quelques tuiles cassées pour 200 euros ? Ou doit-elle devenir autre chose aujourd’hui ?’

Une facture mondiale de pertes assurées atteignant 118 milliards de dollars pour l’année 2023 invite forcément à la réflexion. Abandonner certaines zones n’est une option viable pour personne, ni pour les assurés, évidemment, ni pour les assureurs qui, au-delà de se couper de lignes business, se trouvent confrontés à des impératifs éthiques très forts.

Dès lors, l’adoption d’une approche proactive pour limiter les sinistres prend de plus en plus un caractère d’impérieuse nécessité. La prise de conscience s’accélère sur le sujet, c’est évident. Par contre, beaucoup d’acteurs ne savent pas trop comment s’y prendre, ni par où commencer.

Le recours à la data constitue l’un des leviers essentiels pour renforcer cette prévention. « La clé, c’est la donnée, la donnée, la donnée », insiste Sophie Rousseau. Or, seuls 27 % des assureurs exploitent actuellement des modèles prédictifs avancés pour adresser les enjeux climatiques. C’est encore bien trop peu. La collecte et l’exploitation de données de qualité sont donc primordiales pour anticiper les risques en temps réel et intervenir de manière préventive. Pour cela, tout un écosystème de startups spécialistes est en train d’émerger, et doit figurer dans le radar des corporates.

Du côté de Volt’terre, par exemple, les résultats sont déjà au rendez-vous. En témoignent les succès des collaborations menées avec Continuity autour de la souscription augmentée, ou de Mycophyto sur la revitalisation des sols pour aider les agriculteurs face à la sécheresse. Groupama, a également mis au point un Climate Lab en interne, afin de mieux analyser les risques climatiques pour pouvoir adapter ses offres et diversifier son exposition.

Encore une fois, une stratégie de prévention réussie passera inévitablement par le collectif.

La solution ne va pas venir que de l’assureur ou du réassureur, elle va venir de tout un écosystème. Il faut impliquer les collectivités locales, le secteur de l’immobilier, le monde de la construction, le citoyen lui-même, qui doit comprendre que pour que son bien demeure assurable, il doit rester vivable.


Sophie Rousseau, Swiss Re Reinsurance Solutions

En 2024, « Prévenir plutôt que guérir » n’est plus un simple slogan, mais bien une nécessité pour garantir la pérennité du secteur face à des risques émergents et toujours plus complexes.

Articuler le meilleur de l’innovation technologique avec l’expertise d’un secteur ouvert sur l’extérieur devient essentiel pour construire une assurance proactive, au service de la résilience sociétale. Et un événement comme le INNN concourt clairement à cadencer la manœuvre pour avancer dans le bon sens.

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